~ Chapitre I ~

[Porte d'Auteuil ~ Fin d'après-midi]

Roksana esquisa un sourire amusé à plusieurs reprises, délaçant sa queue d'autour sa taille pour la laisser se balancer derrière elle.

- Il suffit de s'y prendre correctement. Je suis sûr qu'il y aurait possibilité que tu passes inaperçu aux yeux du commun des mortels. Bien sûr, ils ne sont pas tous dupes et certains le remarquent de suite, mais ça peut être utile de se faire passer pour un "simple" humain, en certaines occasions.

Elle continua de se passer des trombes d'eau sur les bras, les jambes, même dans ses cheveux où un peu de sang avait coagulé lorsqu'elle s'était frappé la tête. Sa robe en jean était trempée par endroits, mais au moins, l'odeur commençait à bien partir : heureusement qu'il faisait bon dehors, sinon elle aurait pu attraper la mort à rester dehors, détrempée.

De nouveau debout et droite, elle essora sa jupe puis ses cheveux tout en s'asseyant à côté de Takeru.

- Bruce Lee.. Ou peut-être Jacky Chan. Ethniquement parlant, peut-être Chuck Norris, qui sait ?

Amusée rien qu'à cette idée, elle finit par esquisser un signe négatif du visage en remettant ses cheveux en place.

- Même si j'étais par le plus pur des hasard leur petite fille et que je me défends pas trop mal, ce gorille avait dix fois plus de force que moi et m'avait bien bloqué les bras, alors ton intervention était plus que bienvenue.

Roksana se massa les poignets en y repensant. Elle avait deux marques bien prononcées sur sa peau : ça passerait avec le temps, mais quand même..

- Je suis photographe free-lance.. En congès pour aujourd'hui. Mais si jamais tu as besoin d'une photographe pour quoi que ce soit -tu pourrais même te lancer dans la mode ?-, fais-moi signe, je te ferai un photo-shoot gratuit.

Son sourire amusé persistait sur ses lèvres, et elle lui tendit une de ses cartes de visite avec son numéro de portable

[Porte d'Auteuil ~ Fin d'après-midi]

Takeru laissa échapper un léger rire à la remarque de la jeune femme sur sa possibilité de passer pour un humain en s'y prenant correctement. Il empoigna sa queue de goupil qui devait faire un peu moins de trente centimètres de diamètre à son endroit le plus fourni et l'agita doucement, haussant un sourcil et esquissant un sourire en coin:

"Je ne suis pas sûr que l'histoire du jeune homme qui s'assoit par mégarde sur son plumeau en faisant le ménage soit la plus crédibles des histoires."

Il resta pprès d'elle pendant qu'elle se nettoyait, son cerveau tournant toujours dans tous les sens à la recherche d'une idée pour la mener au cadavre de Linda. Décidément, il lui faudrait un autre doliprane: déjà, il sentait poindre un début de mal de tête qui semblait tout à fait enclin à investir son crâne pour la soirée et à inviter tous ses amis maux, migraines et autres à une soirée mondaine dans la salle des fêtes de son crâne, salle qu'il aurait juré avoir fait fermer et sauter maintes et maintes fois.

Lorsque Roksana lui affirma qu'elle était assez heureuse de son intervention, il la regarda un instant, le fil de ses pensées momentanément perdu. C'était une chose d'aider une jeune femme d'une certaine beauté (ou plutôt d'une beauté certaine), c'en était une autre que celle-ci reconnaisse avoir eu besoin de cette aide. Il sentit ses joues chauffer sous l'afflux de sang les colorant d'un joli ton rosâtre, ses oreilles semblant momentanément ne plus savoir dans quel sens se mettre. Elles se penchèrent finalement légèrement vers l'arrière et il haussa doucement une épaule, marmonnant:

"S'il avait vraiment été dangereux, je suppose que vous seriez actuellement en train de compter mes dents sur le bitume. Je vous l'épargne au cas où pour la prochaine fois: elles sont toutes là."

Bon, certes, il y avait plus intelligent comme humour mais il n'était pas vraiment au mieux de ses capacités neuronales à cet instant présent. Mais les paroles de la tigresse qui suivirent le ramenèrent aussitôt à la réalité, remettant en route les engrenages tarabiscotés de son esprit pour les faire tourner à plein régime. Son informateur du Canard Enchaîné avait raison: elle apportait tout sur un plateau d'argent! Ayant peur de laisser transparaître son excitation, il préféra lui donner une autre signification aux yeux de son intermocutrice:

"Moi? Dans la mode? Waw, c'est la première fois qu'on me dit ça..." il sembla soudainement avoir une idée, bien que celle-ci soit en réalité née avec les paroles de Roksana. "Vous croyez que vous arriveriez à me faire ressembler à un humain? Je veux dire, pour prendre des photos des deux styles? J'aimerais assez essayer!"

L'intérêt était la première pierre de l'édifice. Il se laissa donc aller à une nature assez joyeuse qui pouvait s'expliquer par son âge.

"Vous seriez disponible demain? Oh, je suis désolé, je m'emballe peut-être? "

Il espérait qu'elle serait d'accord car cela lui ferait gagner du temps et économiser des doliprane. Il n'avait plus qu'à trouver où il pourrait la faire venir pour lui faire découvrir Linda de manière apparemment accidentelle. Il laisserait ainsi les Moqueurs loin de tout soupçon... Et la tigresse l'aurait lui comme témoin pour la disculper. Mais peut-être devrait-il en trouver d'autres... Des humains, par exemple. Ils seraient crédibles et la laverait elle aussi de tout soupçon. Mieux, elle couvrirait l'affaire et empocherait un beau paquet d'argent. La rémunération de son travail pour les Moqueurs dont elle ignorerait tout.

Mais loin de s'emballer, son esprit s'employait déjà à trouver une autre solution en cas de refus, la carte de la photographe dansant entre ses doigts. Il ne la quittait pas des yeux pendant ses réflexions intenses, arborant un air candide et innocent, malgré une apparence légèrement garnement (il fallait rester crédible quand même).

[Paris, quartier opéra, fin de matinée]

Elle s'en voulu un peu d'avoir été aussi froide, mais juste un peu.... Regretter le passé, c'est courir après le vent, disait le dicton. Même si elle avait un peu de mal a le mettre en application parfois.

Lorsqu'elle débarrassa le comptoir, elle remarque le petit mot griffonné sur la serviette en papier "Bonne journée".

Il ne fallait parfois pas grand chose pour égayer une journée.... Un beau temps, un sourire, un bonjour.... Et une serviette en papier dédicacée par un hybride un peu gauche, mais attachant.....

Oula.

Ash se renfrogna. Elle n'allait pas bien ou quoi ? Attachant....Et puis quoi encore. Si c'était juste pour flirter, pourquoi pas, mais de là a le trouver attachant.... Et après, ça serait quoi ? Une demande en mariage ?

Elle roula en boule la serviette, et fit un panier dans la corbeille.

Ash ne voulait pas voir son visage dans un miroir. Elle ne savait pas quelle réaction elle aurait lu.....

Jusqu’à ce qu'un client lui fasse la remarque "Qu'elle avait un joli teint rosé", elle le remit sèchement a sa place et se fit engueuler par son patron.

[Porte d'Auteuil ~ Fin d'après-midi]

Ce gamin, au moins il paraissait motivé, pas comme la plupart des jeunes d'aujourd'hui qui passaient leur temps à fûmer, sécher leurs cours pour aller boire une bière au bistro d'à côté ou s'affalent dans leurs canapés pour passer leurs journées devant leur console et leurs MMORPG.
Oh. Le doute.
Roksana le regarda en haussant un sourcil puis se releva du banc en secouant sa jupe.

- Tu es majeur au moins ? demanda-t-elle avec une petite mine boudeuse : s'il lui disait non, il faudrait attendre qu'il le soit pour ne pas avoir d'ennuis..

Devant l'acquiescement étonné de Takeru, la comissure de ses lèvres s'étira, et elle lui fit signe de se relever à son tour. Il était à peine debout qu'elle lui levait déjà les bras et le faisait tourner sur lui-même tout en notant mentalement les détails qui l'intéressaient et faisait la conversation.

- T'es à la fac ou quelque chose comme ça ? Je t'imagine bien en LEA : déjà bilingue ou trilingue comme ça tu peux aller mettre ton nez dans le premier ennui qui lui passe dessous.

Lorsqu'elle a eut fini de mémoriser tout ce dont elle avait besoin -sans jamais répondre aux questions sur ce que diable elle était en train de faire-, elle lui a simplement tapoté ses joues une fois, en souriant.

- Ca sera parfait demain : tu as à peu près la même stature qu'une personne que je connais, et qui n'a pas trop de mal non plus à faire oublier qu'il est hybride quand je m'en occupe. Je t'amènerai les bons vêtements demain tu verras, tu te reconnaitras même plus.

Heureusement d'ailleurs qu'elle n'avait rien de prévu le lendemain et qu'elle se prévoyait quelques jours de vacances : ça lui ferait un jour de moins à paresser au lit mais ça ne la couperait dans aucun de ses reportages ni enquête.
Maintenant, il ne lui restait plus qu'à convenir d'un endroit où se retrouver le lendemain, et une heure précise.

- Tu habites vers où ? Je pourrai te retrouver par là-bas en début d'après-midi si tu veux.

[Quartier général de l'ICDH ~ Paris, place Vauban ~ Après-midi > Soir ]

Après cette première intervention extérieure de sa brigade, il y avait foule aux portes du quartier général : quatre voitures, trois fourgons et sa propre RS7 Sportback entraient successivement dans la cour extérieure pour ensuite s'engouffrer dans les sous-terrains. Comme il ne connaissait pas encore les lieux, il suivit les autres véhicules et gara sa voiture dans un immense parking qu'il voyait pour la première fois, à hauteur du premier fourgon. Bientôt, des portes s'ouvrirent, coulissèrent et claquèrent bruyamment, puis tous les membres de l'équipe d'intervention se dispersèrent pour retourner à leurs postes en emmenant l'individu arrêté à la porte d'Auteuil avec un dispositif de sécurité à la hauteur de sa dangerosité.

Debout auprès de sa voiture, il sortit son paquet de cigarettes et s'en alluma une tout en observant son nouvel environnement. Les cris et protestations aussi déchainés que incompréhensibles de l'hybride -désormais réveillé- raisonnèrent quelques instants dans les sous-sols et le son de sa voix se tût soudainement dès lors qu'il disparu avec ses brigadiers derrière les lourdes portes blindées d'un ascenseur.

Selon Shin Do, le sort d'un individu comme celui-ci ne faisait aucun doute : violent, classé catégorie 1, mentalement instable, incapable de s'exprimer correctement et ayant à son actif plusieurs agressions de civils humains couplées au grand désordre public qu'il avait provoqué et la mobilisation importante de la brigade d'intervention de l'ICDH qui en avait résulté, il passerait en comparution immédiate et serait condamné à l'incarcération avec redressement comportemental en vue d'une potentielle réinsertion dans la société.
Potentielle. Car le pourcentage d'hybrides de ce genre qui parvenaient jusqu'au second jugement et qui en ressortaient avec une autorisation de ré-intégrer la société avec bracelet et mise à l'épreuve ne dépassaient pas les 5%.
Il passerait probablement le reste de sa vie dans l'un des centres d'étude comportementale et de détention permanente de l'ICDH, sous étroite surveillance militaire. Un avenir peu reluisant, mais c'était bien là la seule solution qui restait aux gouvernements pour garder le contrôle sur des hybrides qui ne pourraient jamais co-habiter avec les civils et qui représentaient un grand danger pour la société.
Au cours de sa carrière aux États-Unis et au Japon, il avait eut plus d'une fois l'occasion de se rendre dans l'un de ses centres de détention permanente qui ressemblaient à des croisements entre prison d'état pour hybrides et hôpitaux psychiatrique pour humains, à la différence près que personne d'autre que les militaires de l'ICDH et les membres hauts-gradés du gouvernement y avaient leurs accès contrôlés. Autrement, aucun civil ne pouvaient y entrer, pas même les proches des hybrides incarcérés. Tous ces centres étaient classés zone militaire, très sécurisés et surtout isolés.
De véritables forteresses dont il ne connaissait pas grand chose au final, puisqu'il n'avait jamais mis les pieds ailleurs que dans quelques couloirs, bureaux et cellules blanches pour y interroger des hybrides. C'était toujours désagréable de s'y rendre, un peu trop glauque à son goût. Il préférait encore aller se faire siffler et insulter en passant devant les cellules de la bonne vieille prison centrale remplis d'hybrides qu'il avait lui-même arrêté, plutôt que d'aller dans l'un de ces centres. Heureusement, ça n'arrivait pas tous les jours...
Enfin, malgré son sort déjà scellé, il interrogerait cet hybride avant qu'il ne passe entre les mains de la justice, comme l'exigeait la procédure. Il ne s'attendait pas à en tirer grand chose, mais peut-être découvrirait-il une information à ajouter dans son dossier pour le procureur. Une remarque, une annotation qui jouerait un rôle plus ou moins décisif, plus ou moins positif lors de sa condamnation...

Avant de remonter et de regagner le département d'intervention pour y interroger l'individu, Shin Do décida de visiter un peu ce vaste sous-sol rempli de véhicules personnels, professionnels et militaires de type APC qui s'offraient à son regard. Il y avait des dizaines et dizaines fourgons de l'ICDH, des camions blindés, des 4x4, des bus militaires, des grosses cylindrées, des VAB Mephisto et même deux Halftrack Car M5 et M9 équipés de mitrailleuses qui lui firent hausser un sourcil.
Ça n'était pas le genre de véhicule qu'il était habitué à voir en dehors des bases militaires où étaient gardés les chars de combat et les véhicules d'infanterie.
Passé ce bref instant d'étonnement, il continua sa progression en expirant de temps à autre une bouffée de fumée, et il s'écarta pour laisser sortir un véhicule qui s'arrêta tout net à sa hauteur. Un jeune homme en treillis ouvrit la vitre électrique pour le regarder et sursauta aussitôt de surprise. Il sortit précipitamment de son véhicule et vint à sa rencontre.
Shin Do observa l'inconnu exécuter un vif salut militaire devant lui et ce dernier lui attrapa sans préavis sa main tenant sa cigarette pour la lui secouer d'un air réjoui.

« Vous êtes le nouveau Lieutenant-Chef n'est-ce pas ?! »

« Je m'appelle Lee Shin Do. »

Le jeune homme continua à lui agiter le bras encore plus vivement, si bien qu'il dû lui-même retirer sa main pour y mettre un terme avant qu'il ne lui fasse lâcher sa cigarette.

« Moi c'est Benjamin Fuge, aspirant officier subalterne et mécanicien au département de maintenance ! Ah mais...ça alors ! Vous êtes exactement tel que je l'imaginais ! C'est trop gé-nial ! Super extra ! En plus vous êtes su-per grand ! »

Amusé par les réactions et les exclamations du jeune aspirant, il le suivit volontiers lorsqu'il lui proposa de lui faire visiter le département de maintenance des véhicules. Ils franchirent deux doubles portes métalliques, passèrent le détecteur de métaux qui s'affola au vu des armes et nombreux objets métalliques qu'il transportait sur lui, mais les gardiens se contentèrent d'effectuer un salut et ils le laissèrent passer sans faire la moindre remarque.
Un nouveau sasse s'ouvrit devant eux et ils arrivèrent enfin dans un immense hangar rempli de véhicules en maintenance et fourmillant de militaires-mécaniciens. Comme partout à l'ICDH, il y avait de nombreuses caméras de surveillance qui filmaient le travail sur les véhicules, et le dispositif de sécurité semblait bien important pour un « garage ». Benjamin lui expliqua que l'ICDH ne pouvait pas se permettre de se faire voler des pièces ou qu'un mécanicien ne trafique un véhicule.
Encore plus que les militaires, chaque « externe » travaillant en renfort d'effectif ici devait d'ailleurs se soumettre à une procédure de contrôle très stricte et ne pouvait quitter l'ICHD que lorsque les véhicules sur lesquels il avait travaillé avaient étaient testés et vérifiés par les agents de contrôle. Il était impensable de remettre un véhicule en circulation sans être sûr qu'il ne comportait pas de faille ou qu'il n'avait pas été modifié pour provoquer un accident ou une explosion...

En tous cas, cet endroit était particulièrement bruyant, ils étaient obligés d'élever la voix pour s'entendre correctement. Sa présence dans le hangar ne tarda pas à être remarquée -en même temps, il portait encore son uniforme militaire d'apparat depuis ce matin, il était donc parfaitement identifiable-, et à son passage dans les allées, les mécaniciens cessaient de travailler pour le saluer militairement et regarder passer ce nouveau chef.

«Vous verrez Lieutenant, ces gars là se battront pour réviser votre RS7 Sportback dès qu'elle entrera dans ce hangar. Cette voiture est un bijou de technologie, une véritable tuerie ! Ils se saigneraient tous les veines pour pouvoir y toucher ! En plus, il y a des sacrés primes qui tombent quand on travaille sur les voitures des chefs... »

« Mais elle est neuve. Elle n'a pas besoin d'être révisée, non ? »

« Oui, mais avec les véhicules des chefs, ça rigole pas. On le fait quand même une fois par semaine, c'est la procédure. Histoire de vérifier que tout va bien et de refaire une petite beauté... Le pire, c'est la voiture du Général : la moindre égratignure et c'est la rétrogradation assurée !»

Shin Do laissa échapper un bref rire, et il continua à observer les lieux, amusé par les remarques de son jeune guide.

« Tu me préviendras alors, quand je devrais amener ma voiture en révision. »

« Ah non, non ! Pas besoin, on s'occupe de tout ! On viendra la chercher nous-même, et on la remettra bien à sa place. Normalement, vous ne vous en apercevrez même pas. »

« Mais elle est à reconnaissance tactile et vocale. Tu auras besoin de moi pour la déplacer. »

« Ne vous en faites pas, elle ne réagit qu'à vous et à notre superviseur en chef du département de maintenance. C'est lui qui a été la chercher au pôle aéronautique de Lyon pour vous l'amener à Paris. C'est également lui qui ira la chercher dans le parking et s'occupera de la révision à l'aide de nos meilleurs mécaniciens. L'importance, c'est de fournir un travail parfait et surtout le plus vite possible pour pouvoir remettre le véhicule à votre service. On ne plaisante pas avec ça, on sait que vous pouvez avoir besoin de l'utiliser à tout moment alors on essaye de prendre la voiture que lorsqu'on est à peu près certain d'avoir le temps de la passer en maintenance...»

Ils continuèrent leur progression au rythme de ses questions et des réponses enjouées de l'aspirant officier Fuge, et ainsi il apprit que les deux Halftrack Car M5 et M9 qu'il avait aperçu dans le parking sous-terrain étaient tous deux hors services et qu'ils avaient été amenés ici depuis la base armée de Compiègne uniquement pour être étudiés par les mécaniciens.
Et puis, au détour d'une allée il remarqua un jeune mécanicien qui n'était pas en treillis militaire contrairement à tous ceux qu'il avait croisé pour l'instant, et il distingua bien vite qu'il ne s'agissait pas d'un humain. Il s'arrêta aux côtés de Benjamin à quelques mètres de la voiture que l'hybride était entrain de réviser, tout en s'allumant une nouvelle cigarette. Il tira une bouffée de fumée et observa quelques instants avant de questionner.

« Et lui, c'est un « externe » ? »

« Oui, il vient d'arriver. D'habitude on évite... Enfin, vous voyez. Mais il paraît qu'il est très bon, et le Général a demandé la révision express de tous les véhicules de votre département pour que tout soit parfait à votre arrivée. Mais on pas encore terminé... On a plusieurs jours de retard alors on a prit les plus doués. »

« Je vois. » Il se tût quelques instants et fit le tour du véhicule pour continuer à observer le mécanicien hybride au travail, puis, à distance, il finit par le pointer de sa main tenant sa cigarette. « Hé, Benjamin. Je le veux dans l'équipe du superviseur en chef pour qu'il travaille sur la prochaine révision de ma RS7, ok ? »

Surprit, Benjamin fit les yeux ronds. Il ouvrit la bouche et la referma sans émettre de son, puis il hocha positivement et frénétiquement la tête avant de se mettre en position de salut militaire et de s'exclamer.

« A votre service, Lieutenant-Chef ! »

Lee Shin Do sourit en secouant brièvement la tête par amusement, puis il porta sa cigarette à ses lèvres en se détournant, Benjamin sur les talons.
Il ne s'attarda pas davantage au département de maintenance, il s'en alla peu après avoir échangé quelques mots et une poignée de main avec le superviseur en chef qui avait quitté son bureau pour venir à sa rencontre, puis il quitta les sous-sols pour regagner les étages supérieurs et son propre département...

[Porte d'Auteuil - Fin d'après-midi]

Temporairement ? Qu'est-ce que ça voulait dire au juste, "temporairement" ?
Non. Nooon non non, elle n'était pas là pour faire l'assistante sociale ni entrer dans les détails. A chaque fois qu'elle commençait à poser des questions du genre, elle se retrouvait embarquer malgré elle dans des histoires impossibles dont elle se serait à chaque fois bien passé. Pas cette fois. Elle le remerçiait de l'avoir aidée, mais elle n'allait pas non plus prendre la misère de tout le monde sur les épaules, puis il avait l'air en très bonne santé, alors pas besoin de s'en faire pour quoi que ce soit, ni pour ce "temporairement".

Roksana hocha la tête d'un signe affirmatif à l'adresse et aux étages, mais se mit à froncer, sans même s'en cacher, les sourcils tandis qu'elle sortait son téléphone pour noter le numéro du Kitsune. C'était la deuxième fois et ça, ça n'allait pas du-tout, mais alors pas du tout venant d'un gaki de 18ans comme lui, c'était comme se prendre des dizaines de rides en un seul mot.

Avec un air faussement couroucé, son poing armé de son téléphone s'abattit dans un "pof" entre les deux oreilles du Kitsune, tandis qu'elle pianotait toujours dessus pour entrer son prénom "Takeru" et son nom "Kitsune". Attendant qu'il lui donne son numéro, elle rajouta en description "sale gosse / Pont de l'Alma / Avenue Bosquet, 7ème".

- Encore un seul "Madame" et la fille cachée de Chuck Norris va te teindre tes oreilles toutes poilues en noir après t'avoir assomé. Et je serai arrivée en haut du 7ème avant même que tu n'atteignes le 6ème, "gamin".

Bien entendu qu'elle n'était pas vexée, qu'elle ne le pensait pas vraiment, mais il fallait bien tester les gens pour apprendre à les connaître.. Puis s'il relevait le défi, ça la dérouillerait un peu : ça faisait un petit moment qu'elle n'avait pas pu mettre les pieds dans une salle de sport avec ces politiques ripoux à filer sans arrêt. Haa oui, dès qu'elle aurait fait ce photoshoot avec le kitsune, elle irait faire de l'exercice, ça lui manquait.

Elle lui libéra finalement le sommet de son crâne tout en rangeant son téléphone dans sa poche, et en rattrapant un à un tous ses paquets achetés de la journée.

- Je t'ai donné mon prénom, c'est pour que tu l'utilises. Et tu peux me tutoyer aussi, je ne suis pas aussi vieille que ce que tu as l'air d'imaginer.

Elle refit face au garçon dans un dernier signe de tête.

- A demain alors, essaie de bien dormir cette nuit.

Cette fois, elle ne se sentait pas de rentrer chez elle à pieds avec tous ses paquets sous les bras, et surtout après avoir cavalé toute la journée.
Elle prit donc la direction du métro le plus proche, bondé à cette heure ci.

[Quartier Opéra : Milieu d'aprem, puis en vadrouille sur Paris jusqu'au soir]

Elle avait enfin finit son service, raccrocher son tablier, enfin libre de faire "toutes les conneries qu'elle voulait", lui aurait dit son père, très second degrés.

Si Ash avait eut des ami(e)s, elle aurait pu passer un coup de fil, envoyer un sms, histoire de faire du "shopping" ou juste bavarder autour d'un verre, mais son caractère étant ce qu'il était, même a la fac, elle n'avait pas d’affinité. Comme de toute façon, elle y était peu présente, elle passait pour un fantôme, comme quelques autres étudiants, sans nulle doute.

Traînant un peu dans le quartier, elle se rendit a la salle de jeux pour y dépenser une trentaine d'euros en jetons, essayant les bornes les unes a prés les autres (sauf les jeux de simulation de voiture), s'attardant sur la Dance Machine, puis se rendit au mac do de l'autre côté de la rue afin de s'y désaltérer en sodas hyper calorique.

Désœuvrée, son casque de nouveau sur ses oreilles, elle choisit une direction au hasard, et commença a marcher, dans le seul but de s'occuper les jambes.

[Quartier Opéra - Soir ]

Elle sentit son casque lui être arraché, une infime douleur aux niveaux de ses piercings, et comme dans un film, son casque tomba au ralentis, sans qu'elle ne puisse faire un geste pour le rattraper.

Contrairement à elle, le responsable de ce décrochage, ou accrochage, eut de meilleurs réflexes qu'elle, et attrapa son casque avant qu'il ne se fracasse à terre.

-Heu... Désolé.

Ash récupéra son bien qu'il lui tendit, tout en tentant de contenir ses nerfs. Un bon casque audio valait au moins une quarantaine d'euros, et c'était le second en trois mois qui se faisait maltraité de cette façon.

-J'étais ailleurs... Vérifie qu'il marche... S'il y a un souci, je te le rembourse.

Ha, au moins il avait de bonnes manières.

Toujours sans un mot, elle remis le casque sur sa tête, et les hurlements du groupe system of a down lui parvient des deux oreilles.

Ash s’autorisa un soupir de soulagement.

-Il vas bien... Enfin, il fonctionne.

Elle avisa le badge visiblement responsable de l'accrochage.

-Tu aimes les sex pistols ?

S'il lui répondait que c'était grâce au film, elle n'aurait plus qu'a continuer son chemin en levant les yeux au ciel.